La peur, dirige-t-elle notre futur ?

La peur est sans conteste l’émotion qui a été la plus exploitée par l’homme, et ce de tout temps. Qu’elle soit bleue ou qu’elle donne des ailes, la peur permet bien des manipulations sous prétexte de l’évitement du danger supposé. Elle a ce point commun avec l’espoir : ça va arriver demain.
Cette émotion se décline à toutes les sauces, phobie, peur du noir, peur de la mort, angoisse, peur de l’avion… Les terminaisons en “phobe” se déclinent par centaines, cochleophobie étant celui qui a peur des escargots. Dans nos sociétés, la peur n’est plus une émotion, mais une déesse à laquelle nos dirigeants vouent un culte acharné quotidien, où la presse en est le serviteur dévoué et servile, on l’adore aussi dans le marketing où elle est omniprésente…

Définition et contextualisation.

La peur est une émotion liée au futur, même si on peut la ressentir au présent. Il y a toujours un mélange de fantasme et de réel danger ou de surprise, dans la peur. De par sa nature à venir, le danger qu’elle prévient n’est pas toujours présent au moment où elle est ressentie, mais la puissance de notre esprit peut nous donner une représentation très présente des dommages que nous pourrions subir.
Première question à se poser : « quel est le danger ? » Car une peur sans objet n’est pas une peur mais une angoisse, ce qui est un autre sujet.
Une fois identifiée, la seconde question sera : “est ce un danger objectif, quantifiable, défini dans le temps ?”. Là, il est question de rationaliser le danger, car sinon cela devient un fantasme, ou une phobie, ce qui est aussi un autre sujet.
“Comment me protéger de ce danger? ” C’est une partie délicate, car le simple fait d’être en vie, nous expose à la mort. Il faut faire la part de ce qui est de notre responsabilité et de ce qui est de notre nature. Car, bien souvent, le risque zéro n’existe pas. Si on y pense objectivement, tant que nous sommes en vie, nous pouvons mourir et le danger existe continuellement.

Le risque raisonné ou acceptable.

Si à chaque fois que je prends ma voiture, je lis les statistiques de morts sur la route, je vais rester chez moi. Tout comme au restaurant lorsqu’on me sert un plat, je ne fais pas appel à un goûteur pour vérifier qu’il ne contient pas de cyanure. Cela serait, à juste titre, qualifié de paranoïa. Il y a donc un risque permanent acceptable qui fait partie de notre quotidien et qui dépasse notre intervention.
Je m’intéresse plutôt à la peur déclenchée par un événement qui met notre intégrité (physique ou morale) en cause. Cet événement peut se situer dans un futur plus ou moins proche, et son issue est évidemment incertaine.

Quand la peur survient.

Quand la peur survient, le danger qu’elle signale nous demande une adaptation, nous rentrons donc dans un état de stress plus ou moins grand. Si le stress est raisonnable, notre façon de réagir passera par notre raison et sera assez adaptée au danger. Si le stress est fort, là c’est notre instinct de survie qui prendra le dessus et nous répondrons avec une des trois réponses réflexes codées dans notre ADN, à savoir l’attaque, la fuite ou la prostration.
Il a été observé que les animaux avaient toujours la même réaction en cas de fort stress. Par exemple, si le lapin se tétanise, le sanglier attaque et la biche fuit. Il en est de même pour l’être humain, à ceci près que chacun d’entre nous avons une de ces 3 attitudes ancrées en nous. Il est à noter que cette attitude n’est pas contrôlée. Ce qui explique les différentes attitudes de chaque personne sous un fort stress. Les réactions de passagers du train, témoins d’attaques terroristes, en sont une bonne illustration. Certains ne pouvaient bouger, d’autres ont quitté le wagon, et d’autres se sont interposés.
Si vous voulez savoir quelle serait la vôtre, posez-vous cette agréable question : “ En cas d’événement grave où vous perdriez tout sauf la vie, préféreriez-vous devenir fou (la prostration)? Vous suicider (fuite) ? Ou commettre un meurtre (l’attaque) ?”

Whaou, c’est morbide tout ça ! Oui, car la peur débouche souvent sur la peur de mourir. Si vous prenez une peur bénigne, et que vous creusez, au bout, vous aurez la peur de mourir. Peur de perdre votre emploi, et alors ? plus de revenus, et alors ? plus solvable ?… Plus de maison… Plus de nourriture… La mort. C’est terriblement stressant et ça consomme de l’énergie, ça envoie de l’adrénaline dans les veines, et pour certains, une bonne façon de se rassurer, c’est de manger !

Alors, que faire ?

Si avec la colère et la tristesse, la gestion était assez simple, la peur est plus délicate, car elle ne rationalise pas. Quand le danger est objectif, le fait de se mettre hors de danger suffit sur le moment, mais souvent le stress engendré nous projette dans une répétition probable dans le futur. Le risque existe, mais il est projeté dans l’avenir. Suivant l’intensité du stress provoqué, le travail thérapeutique comportemental donne de bons résultats.

Amplifier sa peur pour rester acteur.

Il y a aussi une alternative à cette émotion, la ressentir quand le danger n’est que dans la supposition et puisqu’il n’y a rien à faire, laisser l’émotion nous traverser, s’amplifier.
Prenons un exemple : je me souviens d’un manège de montagnes russes très spectaculaire, ou le train monte, monte, monte et se met à descendre à une vitesse vertigineuse. Dès les premières minutes, la vitesse m’a pétrifié. Objectivement, je ne pouvais pas sortir de la voiture, j’ai laissé passer les premiers moments de frayeur, puis j’ai amplifié cette peur. Je me suis mis à crier “plus vite, allez plus vite ça se traîne”. Non seulement la peur a vite disparu, mais en plus, je me suis mis à rire. J’étais passé d’un rôle où je subissais à un rôle où j’agissais.
Bien sûr, ceci n’est pas toujours applicable, mais souvenez-vous que notre cerveau ne peut pas gérer énormément d’informations à la fois, et encore une fois, nous avons le choix d’attirer notre attention sur ce que nous décidons.

Car si la peur n’empêche pas de mourir, bien souvent, elle empêche de vivre.